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coutures. — Lorsque des amis venaient, elle était accueillante et presque silencieuse ; elle s’occupait du thé, souriait, ne balivernait plus. — Cette douceur de caractère, cette soumission, cette accalmie soudaine de paroles et de gestes étonnèrent Cyprien qui eut un nouveau pressentiment. Mais, il eut beau sonder les yeux grands ouverts de sa maîtresse, chercher à saisir dans un pli de visage, dans un mot imprudemment lancé, ses intentions, il ne put rien découvrir. Si franche, si inconsidérée jusqu’alors, Céline devint impénétrable.

Elle insista, dès le vendredi, pour qu’il la menât le dimanche au concert. — Cyprien n’osa lui refuser cette joie qu’elle demandait avec des grâces suppliantes. — Il accepta de l’y conduire et fut tellement touché de la reconnaissance qu’elle lui témoigna, qu’il devint, lui-même, toute attention, toute caresse. Ils pigeonnèrent à qui mieux mieux. L’on eût pu vraiment croire que ces gens-là s’aimaient.

Au jour dit, vers les six heures, le peintre fit monter de chez le rôtisseur d’en bas, une moitié de poulet, des légumes, et il acheta, chez un épicier, des confitures et du vin. Ils dressèrent la table, avec mille singeries ; il la servait avec prévenance et elle desservait gracieusement, portait les plats torchés dans une soupente, minaudait,