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y a un mariage chouette au bout de la rue ! la fille du pâtissier se marie ! Ah ! bien vrai ! il y en a un monde !

Des ouvriers qui flânochaient ajoutèrent qu’on donnait des gâteaux pour rien aux personnes qui se présentaient. Une grande rumeur se leva dans l’atelier. Sous prétexte d’aller aux urinoirs ou à la pompe, toute l’escouade des filles se rua dehors. Elles arrivèrent, haletantes, devant la boutique dont les vantaux étaient ouverts. — Des dames bien vêtues mangeaient délicatement, sur une soucoupe, le petit doigt en l’air, des mokas et des tartes. — La maîtresse de la maison demeura surprise devant cette invasion de soussouilles qui ricanaient d’un air bête, et elle leur demanda ce qu’elles voulaient. Elles avouèrent qu’elles venaient pour goûter aux gâteaux. On les flanqua immédiatement à la porte. Alors toute la bande tourna bride, se jeta dans la rue, à la débandade, hurlant, se fichant des coups de poings, courant au milieu des voitures, bousculant contre les vitres des mastroquets les gens en marche, bondissant, échevelées, sur les pavés, glissant dans la boue jusque sous les pieds des chevaux, poursuivies par les gamins qui les huaient, par les chiens qui leur jappaient aux trousses ; elles rentrèrent à l’atelier comme un coup de vent, criant que c’étaient des blagues qu’on leur avait