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Auguste n’eut pas le loisir d’ouvrir la bouche. Désirée lui jeta précipitamment qu’elle ne continuerait plus des relations avec un homme qui noçait chez des saletés comme cette femme-là !

Il déclara que c’était faux, que cette créature était une brave fille, qu’il causait avec elle pour tuer le temps, qu’il ne savait ni son nom, ni même l’endroit où elle demeurait, qu’elle exerçait un métier pas propre, c’était évident, mais qu’enfin elle n’était pas mal polie et rosse comme toutes les femmes de sa sorte.

— C’est pour vous tirer de l’argent qu’elle se fait comme cela, dit sèchement la petite.

Mais lui, niait qu’elle l’eût même invité à monter chez elle ; il ajouta, pensant que Désirée serait désarmée par cette sympathie : Elle est bonne enfant, je t’assure, la preuve, tiens, c’est que lorsque tu ne venais pas, elle te défendait toujours.

L’amour-propre de Désirée saigna sous ce coup. Elle fut horriblement froissée d’apprendre que cette baladeuse était dans leurs confidences et la soutenait alors qu’elle était en faute. Cette sorte de complicité la révolta. Devant sa fureur hautaine, Auguste resta abasourdi ; — ce rendez-vous qui devait les rapprocher, les écarta davantage. Après avoir été blessée dans son affection par les doutes et les outrages d’Auguste, Désirée, blessée dans son orgueil, fut intraitable.