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alors elle n’y mettait pas de mauvais vouloir ! Il est vrai qu’il la rossait aussi pour des vices qu’elle n’avait pas encore à cette époque-là. Ah ! vraiment, les femmes étaient à plaindre ! — Et elle défendait opiniâtrément la petite, sans la connaître.

Ces soirs-là, Auguste retournait chez lui plus réconforté. — Les jours où il apercevait Désirée, il quittait précipitamment la femme qui s’éloignait aussitôt, recommençant, à vingt enjambées plus loin, sa promenade lente, roulant dans sa gorge de bois le gravier d’une chanson de soldat en marche.

Et les deux amoureux s’essayaient à retrouver les ferveurs, les ravissements qui les laçaient jadis l’un à l’autre ; ils s’essayaient à faire renaître l’allégresse des rencontres passées, les voluptés douloureuses des séparations exigées par l’heure. Les redites qu’ils épelaient maintenant, rataient comme des pièces mouillées ; ils demeuraient, l’un devant l’autre, déconcertés et tristes.

Ils finissaient par ne plus souffler mot, écoutaient le refrain qui leur arrivait parfois de l’ambulante en arrêt, remontaient dans la direction du boulevard St-Michel, sentant leur passion se détraquer comme un joujou que l’on aurait manié avec des curiosités brutales d’enfant. Chacun se faisait ses réflexions, une fois seul. — Auguste se