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allait faire sa partie chez Tabuche. — Elle savait, par conséquent, quelles étaient les heures où elle était libre ; le père d’ailleurs ne la tracassait plus, la laissait se balader. En admettant même qu’il eût voulu, comme autrefois, la guetter et la tenir en laisse, elle aurait pu prétexter l’achat d’une pelote de fil ou d’un paquet d’aiguilles, courir jusque chez le marchand de vins, le prier de prévenir Auguste quand il viendrait, retourner chez elle au grand galop si réellement elle était trop pressée pour pouvoir l’attendre.

Il essayait de se rappeler les paroles qu’elle avait prononcées depuis plusieurs jours ; n’avait-elle pas dit que les tempes lui battait, qu’elle était mal à l’aise ? Après tout la migraine s’était peut-être ruée sur elle et l’avait jetée la tête sur un lit, au moment où elle allait partir. Avec l’égoïsme des gens épris, il eût préféré d’ailleurs qu’elle fût malade plutôt qu’indifférente. Il se répétait pour la vingtième fois que, tandis qu’il l’accusait de paresse et de froideur, elle geignait et pleurait sans doute. Il ne pouvait parvenir à se convaincre.

Le même fait se reproduisit à des intervalles peu séparés. Le lendemain, pressée de questions, la petite répondait : — J’ai été souffrante.

La première fois, il la questionna avec inquiétude, avec angoisse ; la seconde, il l’engagea vi-