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crus. Le cœur gros, elle aidait son amant à se parer, rôdait autour de lui, admirant sa cravate blanche et son habit à queue d’aronde, considérant avec respect son chapeau à claque, le faisant détoner et s’aplatir, s’extasiant sur la doublure de soie noire, sur les lettres en or qui y étaient cousues.

Ces soirs-là, elle voulait à toute force coucher chez lui, afin d’être plus sûre qu’il reviendrait, et elle ne comprenait rien aux fureurs du peintre qui, contraint à se rendre chez des gens disposés à lui acheter ses toiles, sacrait comme un charretier, se débattant contre les boutons de ses gants, contre l’empois de son linge. Elle lui disait : — N’y va donc pas ! — Tu verras, nous nous amuserons ! — Et Cyprien criait exaspéré : — Eh que diable ! t’imagines-tu donc que c’est pour mon plaisir que je vais dépenser deux francs de voiture et m’embêter chez des bourgeois ! — Mais elle ripostait : Laisse donc, je m’en doute bien, tu vas retrouver des femmes. — Eh bien, j’aimerais mieux ça, finissait par répondre le peintre. — Alors elle le tapait furieuse ; il finissait par s’aigrir parce qu’elle lui froissait sa chemise, et il partait accablé par la perspective de rester, deux ou trois heures debout, sans fumer, auprès d’une porte.

Il ne dansait ni ne jouait, avait l’air d’un im-