Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rapides, toute l’effroyable mêlée de ces bielles et de ces tiges ; elles regardaient les éclairs de la boîte à feu, les dégorgements des robinets de vidange et de purge ; elles écoutaient le hoquet de la locomotive qui se met en marche, le sifflement saccadé de ses jets, ses cris stridulés, ses ahans rauques.

Elles avaient des joies d’enfants lorsqu’elles en apercevaient une, une toute petite, réservée pour la traction des marchandises dans la gare et pour les travaux de la voie, une mignonne, élégante et délurée, avec sa toiture de fer pour abriter les chauffeurs et ses grosses lunettes sur l’arrière-train.

Celle-là était leur préférée. À force de la voir décrire ses zigzags et ses courbes et siffler gaiement aux aiguilles, elles l’avaient prise en affection. Le matin, dès qu’elles se levaient et entr’ouvraient leurs rideaux, la petite était là, alerte et pimpante, fumant sans bruit, et elles lui disaient en riant bonjour.

Mais ce dimanche-là, la mioche, comme elles l’appelaient, était restée dans son écurie. Il n’y avait près des rotondes que d’énormes bêtes dont on curait l’estomac grillé avec des tringles. Céline et Désirée s’embêtaient à mourir. La petite était avec cela furieuse. Elle avait inspecté le pont en face pour s’assurer si Auguste ne venait