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versation, elle l’interpellait : — Dis donc, mon petit homme, tu ne sais pas, la fille à Gamel, tu sais bien, celle dont je t’ai parlé, eh bien, elle se marie.

Il se bornait à hausser les épaules.

— Tu n’es guère aimable ce soir !

— Eh ! tu me débites un tas de choses sans queue ni tête, que diable veux-tu que tout cela me fasse ?

— C’est bien, on ne peut plus parler, alors ! Je ne dirai plus rien. — Et, très pincée, elle jouait du piano avec ses doigts sur ses genoux, regardait en l’air et, rognonnant, se suçait les ongles.

Ces scènes se renouvelaient presque tous les soirs. Les fureurs du peintre commençaient dès que Céline avait franchi sa porte. Pour la vingtième fois, il la suppliait de ne pas accrocher sa capeline sur le coin d’un cadre, et elle s’entêtait à ne pas la pendre à un porte-manteau ou sur le dos d’une chaise ; le cadre penchait forcément, dessinait des guingois sur la muraille et elle soutenait que c’était sans importance, que sa coiffe n’abîmait pas la dorure, qu’il n’était pas utile que le tableau fût droit.

Avec cela, elle n’était bonne à rien. — Quelquefois, lorsqu’elle avait ces jolis mouvements de femme qui se lève nonchalamment d’un siège,