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pendant des heures, des collections d’estampes et d’eaux-fortes, se mettait la mort dans l’âme à agiter tout ce deuil d’images, regrettait qu’on n’eût pas égayé ces gribouillis de noir et de blanc en les enjolivant de couleurs tendres, de vert-pomme ou de rose.

Mais cela n’était rien encore lorsqu’elle était seule avec son amant ; ce n’était qu’insupportable ; quand il y avait réunion d’amis, cela devenait humiliant.

Ils étaient là, un tas de gens qui riaient comme des oies quand elle se hasardait à lancer un mot. Elle raconta, un jour, avoir vu, dans la rue du Cherche-Midi, un bien charmant tableau : un petit garçon à genoux, en chemise, sur un prie-Dieu. Ils demandèrent à combien le cadre, parlèrent de cold-cream, de concombre, de pommade rosat, blaguèrent tant qu’ils purent le petit homme en prière. Quand ils se furent bien divertis, son amant lui avait baisé la main avec un respect qui n’était pas vrai, disant : — Céline, tu es admirable ! Tu es complète, ma fille !

Il n’y avait pourtant pas de quoi s’esclaffer ainsi ! Avec ça que ce pauvret en chemise ne valait point leurs toiles à eux, des maçonneries pas terminées où l’on ne voyait rien ! Est-ce qu’un tableau bien propret et bien lisse, ce n’était pas ce qu’ils auraient dû peindre ? Poussée à bout par