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première jusqu’à la dernière scène, s’extasiait sur les formes de l’acteur chargé du grand rôle, sur l’héroïne et sa robe blanche, sur le château et la forêt du décor, sur les voisins qu’ils avaient eus, sur les loges, sur l’ouvreuse, sur tout. Les remarques saugrenues dont elle assaisonnait son récit le bouleversaient et il se ruait sur sa boîte à couleurs, en essayant de s’absorber dans le travail pour ne plus l’entendre.

Lorsqu’ils se promenaient ensemble, elle était peut-être encore plus lassante ; elle s’arrêtait à tout bout de champ, devant les mercières, mangeait des croquets et des chaussons, lui empruntait son mouchoir pour s’essuyer les doigts, le forçait à faire halte, à regarder ces interminables parties de volant que des boutiquiers en manche de chemise jouent, les soirs d’été, dans les rues pauvres. Parfois, elle le tirait jusqu’à des quartiers opulents, aimant à se promener comme une dame dans des passages pleins de boutiques, dans des avenues neuves. Le peintre exécrait le Palais-Royal et les grands boulevards, à cause d’elle surtout qui flânotait devant les étalages des joailliers, s’extasiait devant les articles dits de Paris, se livrait à d’odieuses réflexions sur le goût d’un flacon placé dans une petite voiture en bronze doré, sur une pendule surmontée d’une chasse, sur une réduction de la colonne Vendôme