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Elle oublia vite la douleur du conscrit en marche, n’établit plus de comparaison entre son sort et celui des autres, et, de nouveau, elle gémit sur les entraves apportées à sa liberté, le soir.

Quant à Céline, elle persistait à être insupportable. Anatole avait cependant disparu. — Les bruits colportés à l’atelier le représentaient comme vivant en concubinage avec une corsetière — elle avait donc lieu de se tranquilliser ; elle était, en effet, moins épeurée, mais son humeur continuait d’être massacrante. C’était à son peintre maintenant qu’elle en voulait.

D’abord, il ne la sortait presque pas, ne lui procurait aucun amusement, la laissait se morfondre dans un coin, comme un animal qu’on sait être là et avoir mangé. Elle n’avait d’autres ressources que de tourner ses pouces, de se lever, de se rasseoir, d’épousseter un meuble, de rapiécer une culotte, de faire chauffer de l’eau. Ces distractions lui semblaient insuffisantes. Elle en venait à souhaiter que son amant eût besoin de quelque chose pour descendre se réveiller les yeux au grand air et jaboter, en remontant, avec la concierge.

Et puis, il était peu généreux et il devait cependant être moins panné qu’il le prétendait, car il rapportait constamment de vieux bouts de tapisseries, des lambeaux d’étoles, des faïences sans