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Jamais père n’a eu autant de souci de la vertu de sa fille ! — il la suivait, la guettait, ne songeant plus à cette idée philosophique que Tabuche avait émise : — Si tu embêtes ton enfant, si tu es toujours sur son dos, tu peux être assuré qu’elle chaloupera ; il serait plus simple alors de la pousser tout de suite dans les bras de son amoureux, tu t’éviterais au moins des pertes de temps et des ennuis. — Qu’il eût ou qu’il n’eût pas reconnu tout d’abord la justesse de cet axiome, il n’en fut pas moins vrai que Vatard cessa de pourchasser sa fille. Elle put donc revoir Auguste, mais leurs rendez-vous étaient forcément écourtés. Désirée attendait qu’une demi-heure se fût écoulée, après le départ du père, craignant qu’il n’eût omis d’emporter son mouchoir ou sa pipe, et elle revenait de très bonne heure, avant son retour.

La rue où ils se rejoignaient était heureusement peu éloignée, une rue faite exprès pour les amoureux, la rue du Cotentin, une grande route à peine éclairée, bordée à gauche par le remblai du chemin de fer, des gares à marchandises, le poste des landiers, les messageries ; à droite, par quelques bâtisses, des dépôts de pavés et des palissades. Ils se promenaient, de long en large, rencontrant à peine une ou deux personnes, un enfant en course, un chien flairant ; arrivés au