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ciation où l’on vocifère, à qui mieux mieux, les plus abominables jurons, où l’on se déverse sur la tête de pleines écuellées d’ordures, très curieuse race de filles qui ne cherchent guère de liaisons en dehors de leur monde, ne s’enflamment véritablement qu’au souffle des haleines vineuses, ramassis de chenapans femelles, écloses pour la plupart dans un bouge et qui ont, dès l’âge de quatorze ans, éteint les premiers incendies de leurs chairs, derrière le mur des abattoirs ou dans le fond des ruelles.

Tous se détestaient et tous, hommes et femmes, s’entendaient comme larrons en foire pour dauber les contre-maîtres, mais, une fois échappés de l’atelier, ils ne s’entendaient guère plus qu’en échangeant force coups d’ongles et revers de mains. Il y avait, le matin, dès l’arrivée, des cris de liesse, des bondissements furieux, des joies folles, à la vue d’une femme qui entrait, tiraillant péniblement sa croupe, ou clignant des paupières charbonnées d’indigo et d’encre, et cela n’empêchait point que si le patron, exaspéré de voir un grand diable, soûl comme une Pologne, rebondir d’une pile à l’autre, lui réglait son compte et le congédiait, la femme qu’il honorait de ses caresses et de ses coups, se levait et partait, entraînant avec elle toute la coterie qui la soutenait. Il y avait alors