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côtelettes en papillote que l’on me forçait à avaler chez votre tante. Vous y êtes, vous n’oubliez rien ? Non ? Je ferme la porte. — Et il quitta ses filles, au bas de l’escalier, tirant sur sa bouffarde, faisant voltiger sa canne, s’arrêtant pour causer avec les boutiquiers qui se délectaient à écouter le récit de son voyage.

Quand les deux sœurs arrivèrent à l’atelier, toutes les ouvrières faisaient cercle autour d’une petite fille de quatre à cinq ans, une blondine maigriotte et blanche. Le matin, une femme était venue et avait demandé à la contre-maître si elle ne pourrait pas prendre l’enfant comme apprentie. La contre-maître stupéfaite avait déclaré qu’une petite fille aussi jeune était incapable de tout travail. Alors la femme s’était mise à pleurer, disant qu’elle était dans le malheur, que son mari était mort, qu’elle était obligée, pour vivre, de vendre, dans la rue, des nèfles et des pommes, que l’enfant était trop peu raisonnable pour rester seule à la maison, qu’enfin elle ne consentirait jamais à l’envoyer dans une crèche ou à la confier à des gardeuses ; et de ses mains qui tremblaient elle s’essuyait les paupières et les joues, suppliant, avec des hoquets dans la voix, qu’on voulût bien lui garder sa petite.

L’enfant, voyant tant de monde autour d’elle, se détournait, en faisant la moue, et avait de grosses