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plupart de celles qui ont eu des enfants ou qui ont abusé des alcools et des luttes, il l’eût faite avec des seins lâches, un œil qui fait feu, une bouche qui mouille ! Mais il aimait peu les nudités, préférant les attitudes si joliment incorrectes des Parisiennes, s’attachant surtout à peindre les histrionnes d’amour, dans les lieux où elles foisonnent : bâillant, le soir, devant le bock d’un concert ; en piste à la table d’un café ; en chasse sur l’asphalte, riant à toute volée, pour une bêtise ; se faisant dormantes pour ne pas effaroucher les timides, désintéressées et câlines pour les mieux gruger ; s’injuriant et braillant, la trogne en l’air, par jalousie ou par pochardise.

Le jury s’empressait de refuser ses toiles au salon de chaque année et le public ratifiait ce jugement en ne les achetant pas. Lui, ne se décourageait guère, mangeant les trois cents francs de rente qu’il avait par mois, parcourant les quartiers excentriques à la poursuite des femmes qui ginginaient des hanches.

Mais, comme il le disait avec rage, il lui eût fallu une somme ronde pour fréquenter les mercenaires de haut parage et les peindre telles qu’elles sont, dans leurs boudoirs plafonnés de soie, avec leurs robes de combat et leur canaillerie frottée de grâce. Jamais il n’avait pu réaliser son rêve. Faute d’argent, il en était réduit à