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hésitant à mourir il allait reprendre le train et retourner chez lui. La situation devenait fâcheuse ; Céline s’en moquait pas mal, tout lui était permis, à elle ! elle déguerpissait du logis, les mâchoires encore émues, et le père la laissait libre ; mais jamais, au grand jamais, il ne consentirait à ce que son autre fille prît son envolée après la soupe. Elle avait bien cette ressource dont profitent les ouvrières empêtrées de familles peu austères, mais pratiques, qui les viennent chercher à la sortie, pour les prendre sous le bras et les ramener sans casse chez elles ; celles-là sortent pendant le jour, avec leurs amoureux, et ne rentrent à la boutique que dix minutes avant le moment du départ ; mais si la contre-maître fermait les yeux sur ces pillages quotidiens des heures, parce que celles qui se les offraient étaient des coureuses et des propres à rien, elle n’accepterait certainement pas que l’une de ses premières ouvrières allât se faire brasser, toute une journée durant, par un homme, dans un cabaret ou dans un garni. À coup sûr, elle avertirait Vatard. Les soirées de veille seraient, à la vérité, plus commodes. Elle s’échapperait de la maison Débonnaire, à sept heures, et, au lieu de retourner chez elle, elle irait dîner avec Auguste et ne reviendrait pour s’atteler à la tâche qu’à onze heures du soir. Le