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publier dans ses États l’édit qu’il fit notifier, en sous-main, pourtant, à ceux de ses sujets qui traitaient avec Gilles. Personne n’osant plus acheter de domaines au Maréchal, de peur de s’attirer la haine du duc et d’encourir la colère du Roi, Jean V demeura seul acquéreur et dès lors, il fixa les prix. Tu peux penser si les biens de Gilles de Rais furent possédés à bon compte !

Cela explique aussi la fureur de Gilles contre sa famille qui avait sollicité ces lettres patentes du Roi — et pourquoi il ne s’occupa plus, durant sa vie, ni de sa femme, ni de sa fille qu’il relégua dans un fond de château, à Pouzauges.

Eh bien ! Pour en revenir à la question que je posais tout à l’heure, à la question de savoir comment et pour quels motifs Gilles quitta la cour, elle me semble s’éclairer, en partie du moins, par ces faits mêmes.

Il est évident que depuis longtemps déjà, bien avant que le Maréchal se fût confiné dans ses chevances, Charles VII était assailli de plaintes par la femme et par les autres parents de Gilles ; d’autre part, les courtisans devaient exécrer ce jeune homme à cause de ses richesses et de son faste ; le Roi même, qui abandonna si délibérément Jeanne d’Arc quand il ne la jugea plus utile, trouvait une occasion de se venger sur Gilles des services qu’il avait rendus. Quand il avait besoin d’argent