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librés, tandis que maintenant ! Mais, pour en revenir à tes compagnons de sacrilège, ce soir, s’ils ne sont pas des fous, ce sont, à n’en point douter, de très répugnants paillards. Observe-les. Je suis sûr qu’en invoquant Belzébuth, ils pensent aux prélibations charnelles. N’aie pas peur, va, il n’y a point, dans ce groupe, des gens qui imiteraient ce martyr dont parle Jacques De Voragine, dans son histoire de Saint Paul l’Ermite. Tu connais cette légende ?

— Non.

— Eh bien, pour te rafraîchir l’âme, je vais te la conter. Ce martyr, qui était tout jeune, fut étendu, pieds et poings liés, sur un lit, puis on lui dépêcha une superbe créature qui le voulut forcer. Comme il ardait et qu’il allait pécher, il se coupa la langue avec ses dents et il la cracha au visage de cette femme ; et « ainsi la douleur enchassa la tentation », dit le bon de Voragine.

— Mon héroïsme n’irait pas jusque-là, je l’avoue ; mais… tu t’en vas déjà ?

— Oui, je suis attendu.

— Quelle bizarre époque ! reprit Durtal, en le reconduisant. C’est juste au moment où le positivisme bat son plein, que le mysticisme s’éveille et que les folies de l’occulte commencent.

— Mais il en a toujours été ainsi ; les queues de siècle se ressemblent. Toutes vacillent et sont