Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et comme Durtal réclamait du regard une explication, Chantelouve ajouta, riant à son tour : — Elle dit vrai ; les sujets me sont imposés et l’on dirait que l’éditeur se complaît à vouloir me faire célébrer la crasse ! J’ai à décrire les bienheureux qui sont, pour la plupart, déplorablement sales : Labre, dont la vermine et la puanteur répugnaient les hôtes mêmes des étables ; Sainte Cunégonde qui délaissait par humilité son corps ; Sainte Opportune qui n’usa jamais d’eau et ne lava jamais son lit qu’avec ses larmes ; Sainte Silvie qui ne se débarbouilla jamais la face ; Sainte Radegonde qui ne changeait jamais de cilice et couchait sur un tas de cendre ; et combien d’autres dont il me faut ceindre les têtes dépeignées d’une auréole d’or !

— Il y a pis que cela, fit Durtal, lisez la vie de Marie Alacoque, vous y verrez que, pour se mortifier, elle ramassa avec sa langue les déjections d’une malade et suça au doigt de pied d’un infirme, un apostume !

— Je le sais, mais j’avoue que, loin de me toucher, ces saletés-là me répugnent.

— J’aime mieux Saint Luce le martyr, dit Mme Chantelouve. Celui-là avait le corps si transparent qu’il voyait au travers de sa poitrine des ordures dans son cœur ; ces ordures sont pour nous, du moins, supportables. Au reste, reprit-elle, après un silence, ce manque de soins me ferait prendre