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Or, il n’y avait point de femmes au château ; Gilles paraît du reste avoir, à Tiffauges, exécré le sexe. Après avoir baratté les ribaudes des camps et besogné, avec les Xaintrailles et les La Hire, les prostituées de la cour de Charles VII, il semble que le mépris des formes féminines lui soit venu. Ainsi que les gens dont l’idéal de concupiscence s’altère et dévie, il en arrive certainement à être dégoûté par la délicatesse du grain de la peau, par cette odeur de la femme que tous les sodomites abhorrent.

Et il déprave les enfants de chœur de sa maîtrise ; il les avait choisis, d’ailleurs, ces petits desservants de sa psallette, « bels comme des anges ». Ils furent les seuls qu’il aima, les seuls qu’en ses transports d’assassin, il épargna.

Mais bientôt ce ragoût des pollutions enfantines lui parut tiède. La loi du Satanisme qui veut que l’élu du Mal descende la spirale du péché jusqu’à sa dernière marche, allait, une fois de plus, se promulguer. Ne fallait-il pas aussi que l’âme de Gilles purulât, pour qu’en ce rouge tabernacle, constellé d’abcès, le Très-Bas pût habiter à l’aise !

Et les litanies du rut s’élevèrent dans le vent salé des abattoirs. La première victime de Gilles fut un tout petit garçon dont le nom est ignoré. Il l’égorgea, lui trancha les poings, détacha le cœur, arracha les yeux, et il les porta dans la chambre