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reproduites par les huchiers du Moyen Âge. Il fallait installer des coffres couverts de cuir de truies, cloutés et ferrés, pour les linges de relais et les tuniques, puis des bahuts à pentures de métal, plaqués de peaux ou de toiles marouflées sur lesquelles des anges blonds se détachaient, repoussés par des fonds orfévris de vieux missels. Il fallait enfin ériger sur des marches tapissées les lits, les vêtir de leurs linceux de toile, de leurs oreillers aux taies fendues et parfumées, de leurs courtes-pointes, les surmonter de ciels tendus sur châssis, les entourer de courtines brodées d’armoiries ou mouchetées d’astres.

Tout était à reconstituer aussi dans les autres pièces qui ne gardaient plus que leurs murs et de hautes cheminées à hottes, des âtres spacieux, sans landiers, encore calcinés par d’anciens feux ; il fallait s’imaginer aussi les salles à manger, ces repas terribles que Gilles déplora, pendant que l’on instruisait son procès à Nantes. Il avouait avec larmes avoir attisé par la braise des mets la furie de ses sens ; et, ces menus qu’il réprouvait, l’on peut aisément les rétablir ; à table avec Eustache Blanchet, Prélati, Gilles de Sillé, tous ses fidèles, dans la haute salle où sur des crédences posaient les plats, les aiguières pleines d’eau de nèfle, de rose, de mélilot, pour l’ablution des mains, Gilles mangeait des pâtés de bœuf et des pâtés de saumon et de