Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il aurait pu tomber sur une femme vieille et laide et Hyacinthe, comme il l’appelait déjà tout court, était enviable. Trente-trois ans au plus ; pas jolie, non, mais singulière ; c’était une blonde frêle et souple, à peine hanchée, une fausse maigre, à petits os. La figure était médiocre, gâtée par un trop gros nez, mais les lèvres étaient incandescentes, les dents superbes, le teint, un tantinet rosé dans ce blanc laiteux à peine bleuâtre, un peu trouble, qu’ont les eaux de riz.

Puis son véritable charme, sa décevante énigme, c’étaient ses yeux, des yeux qui semblaient cendrés d’abord, des yeux incertains et trébuchants de myope où passait une expression résignée d’ennui. À certains moments, ces prunelles se brouillaient telles qu’une eau grise et des étincelles d’argent pétillaient à la surface. Elles étaient, tour à tour, dolentes et désertes, langoureuses et hautaines. Il se souvenait bien d’avoir jadis dérivé devant ces yeux !

Malgré tout, en y réfléchissant, ces lettres passionnées ne répondaient nullement au physique de cette femme, car nulle n’était plus maîtresse des simagrées et plus calme. Il se remémorait des soirées chez elle ; elle se montrait attentive, se mêlait peu aux conversations, accueillait, en souriant, mais sans laisser-aller, les visiteurs.

En somme, se dit-il, il faudrait admettre un