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où la démence me gagne. Jugez-en plutôt. Ma nuit entière s’était passée à vous appeler avec fureur ; j’en avais pleuré d’exaspération. Ce matin, mon mari entre dans ma chambre ; j’avais les yeux en sang ; je me mets à rire comme une folle et quand je puis parler, je lui dis : que penseriez-vous d’une personne qui, questionnée sur sa profession, répondrait : je suis succube en chambre. — Ah ! Ma chère, vous êtes bien malade, me fut-il répondu. — Plus que vous ne pensez, répliquai-je. — Mais de quoi viens-je vous entretenir, mon cher douloureux, dans l’état où vous êtes vous-même ; votre lettre m’a bouleversée, bien que vous accusiez votre mal avec une certaine brutalité qui a fait jouir mon corps, en éloignant un peu mon âme. — Ah ! tout de même, si ce que nous rêvons pouvait être !

« Ah ! dites un mot, un mot, un seul, mais un mot de vos lèvres ; il ne se peut pas qu’aucune de vos lettres tombe dans des mains autres que les miennes. »

Oui, eh bien, ça ne devient pas drôle, conclut Durtal, en repliant la lettre. Cette femme est mariée et à un homme qui me connaît, paraît-il. Quel aria ! mais qui, diable ça peut-il être ? Vainement, il recensait les soirées où il s’était autrefois rendu. Il ne voyait aucune femme qui pût lui adresser de telles déclarations. Et cet ami commun ? mais je