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chacun de son côté, à la recherche sans doute d’un nourrissant gibier qui les consolerait de ces éternels repas de soupe maigre que leur servait la Trappe.

L’heure pressait, il s’en fut prier, une dernière fois, à la chapelle et regagna sa cellule, afin de préparer sa valise.

Tout en rangeant ses affaires, il pensait à l’inutilité des logis qu’on pare. Il avait dépensé tout son argent, à Paris, pour acheter des bibelots et des livres, car il avait jusqu’alors détesté la nudité des murs.

Et aujourd’hui, considérant les parois désertes de cette pièce, il s’avouait qu’il était mieux chez lui entre ces quatre cloisons blanchies à la chaux, que dans sa chambre tendue, à Paris, d’étoffes.

Subitement, il discernait que la Trappe l’avait détaché de ses préférences, l’avait en quelques jours renversé de fond en comble. La puissance d’un pareil milieu ! se dit-il, un peu effrayé de se sentir ainsi transformé. Et il reprit, en bouclant sa malle : il faut pourtant que je rejoigne le P. Étienne, car enfin, il s’agit de régler ma dépense ; je ne veux pas du tout être à la charge de ces braves gens.

Il visita les corridors, finit par croiser le père dans la cour.

Il était un peu gêné pour aborder cette question ; aux premiers mots, l’hôtelier sourit.

— La règle de saint Benoît est formelle, fit-il, nous devons recevoir les hôtes comme nous recevrions Notre-Seigneur Jésus même, c’est vous dire que nous ne pouvons échanger contre de l’argent nos pauvres soins.

Et Durtal insistant, embarrassé.