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cellule. Il baguenauda, atteignit, malgré ce tourment du départ qui le hantait, sans trop de peine, le soir.

Le Salve Regina qu’il entendait pour la dernière fois peut-être, ainsi modelé par des voix mâles, cette chapelle aérienne bâtie avec des sons et s’évaporant avec la fin de l’antienne, dans la fumée des cierges, le remua jusqu’au fond de l’âme ; puis vraiment, ce soir-là, la Trappe se montrait charmante. Après l’office, on dit le chapelet, non comme à Paris où l’on débite un Pater, dix Ave et un Gloria et ainsi de suite ; là, on égrenait, en latin, un Pater, un Ave, un Gloria et l’on recommençait jusqu’à ce que l’on eût épuisé de la sorte quelques dizaines.

Ce chapelet fut détaillé à genoux, moitié par le prieur, moitié par tous les moines. Il roulait au galop si vite que l’on discernait à peine les mots, mais dès qu’il fut terminé, sur un signal, le grand silence se fit et chacun, la tête dans ses mains, pria.

Et Durtal se rendit compte du système ingénieux des oraisons conventuelles ; après les prières purement vocales comme celles-là, venait la prière mentale, la déprécation personnelle, stimulée, mise en train par la machine même des patenôtres.

Rien n’est laissé au hasard dans la religion ; tout exercice qui semble, au premier abord, inutile, a une raison d’être, se disait-il, en sortant dans la cour. Et le fait est que le rosaire, qui ne paraît être qu’une toupie de sons, remplit un but. Il repose l’âme excédée des supplications qu’elle récite, en s’y appliquant, en y pensant ; il l’empêche de bafouiller, de rabâcher toujours à Dieu les mêmes pétitions, les mêmes plaintes ; il lui permet de