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de leur grande coule, trois convers entrèrent, deux tenant des flambeaux et un autre qui les précédait, un encensoir ; et, derrière eux, à quelques pas, le prieur s’avança, les mains jointes.

Durtal regardait le costume changé des trois frères. Ils n’avaient plus leur robe de bure, faite de pièces et de morceaux, pisseuse, couleur de macadam, mais des robes d’un brun violi de prune, sur lequel tranchait le blanc tuyauté d’un surplis neuf.

Tandis que le P. Maximin, vêtu d’une chape d’un blanc laiteux, tissée de croix en jaune citron, insérait l’hostie dans la custode, le thuriféraire déposait l’encensoir sur les braises duquel fondaient les larmes des vrais encens. Contrairement à ce qui a lieu à Paris où l’encensoir brandi devant l’autel sonne contre ses chaînes et simule le cliquetis clair du cheval qui secoue, en levant la tête, la gourmette et le mors, l’encensoir à la Trappe demeurait immobile devant l’autel, fumait seul, derrière le dos des officiants.

Et tout le monde chanta l’implorante et la mélancolique antienne du « Parce Domine », puis le « Tantum ergo », ce chant magnifique qui pourrait presque être mimé, tant les sentiments qui se succèdent dans sa prose rimée sont, dans leurs nuances, nets.

Dans la première strophe, il semble, en effet, qu’il hoche doucement la tête, qu’il appuie, pour ainsi dire, du menton, afin d’attester l’insuffisance des sens à expliquer le dogme de la Présence réelle, l’avatar accompli du Pain. Il est alors admiratif et réfléchi ; puis cette mélodie si attentive, si respectueuse, ne s’attarde plus à constater la faiblesse de la raison et la puissance de la