Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne l’avait pas encore entendu aussi autoritaire et aussi imposant ; il s’avançait, chanté à l’unisson, déroulait la lente procession des dogmes, en des sons étoffés, rigides, d’un violet presque obscur, d’un rouge presque noir, s’éclaircissait à peine à la fin, alors qu’il expirait en un long, en un plaintif amen.

En suivant l’office Cistercien, Durtal pouvait reconnaître les tronçons de plain-chant encore conservés dans la messe des paroisses. Toute la partie du canon, le « Sursum Corda », le « Vere Dignum », les antiennes, le « Pater », restaient intacts. Seuls le « Sanctus » et « l’Agnus Dei » changeaient encore.

Massifs, bâtis, en quelque sorte, dans le style roman, ils se drapaient dans cette couleur ardente et sourde que revêtent, en somme, les offices de la Trappe.

— Eh bien ! Fit l’oblat, lorsque, après la cérémonie, ils s’assirent devant la table du réfectoire ; eh bien ! Comment trouvez-vous notre grand’messe ?

— Elle est superbe, répondit Durtal. Et, rêvassant, il dit :

— Avoir le tout complet ! transporter ici, au lieu de cette chapelle sans intérêt, l’abside de Saint-Séverin ; pendre sur les murs des tableaux de Fra Angelico, de Memling, de Grünewald, de Gérard David, de Roger Van Den Weyden, de Bouts, y adjoindre d’admirables sculptures, des œuvres de pierre, telles que celles du grand portail de Chartres, des retables en bois sculptés, tels que ceux de la cathédrale d’Amiens, quel rêve !

Et pourtant, reprit-il, après un silence, ce rêve a été une réalité, cela s’est vu. Cette église idéale, elle a existé pendant des siècles, partout, au Moyen Age ! Le chant,