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ment terrestre n’est capable de donner. Dieu seul avait le pouvoir de gorger ainsi une âme, de la faire déborder et ruisseler en des flots de joie ; et, lui seul pouvait aussi combler la vasque des douleurs, comme aucun événement de ce monde ne le savait faire. Durtal venait de l’expérimenter ; la souffrance et la liesse spirituelles atteignaient, sous l’épreinte divine, une acuité que les gens les plus humainement heureux ou malheureux ne soupçonnent même pas.

Cette idée le ramena aux terribles détresses de la veille. Il tenta de résumer ce qu’il avait pu observer sur lui-même dans cette Trappe.

D’abord, cette distinction si nette du corps et de l’âme ; puis cette action démoniale, insinuante et têtue, presque visible, alors que l’action céleste demeure, au contraire, sourde et voilée, n’apparaît qu’à certains moments, semble s’éliminer pour jamais, à d’autres.

Et tout cela, se sentant, se comprenant, ayant l’air simple en soi, mais ne s’expliquant guère. Ce corps paraissant s’élancer au secours de l’âme, et lui empruntant sans doute sa volonté, pour la relever alors qu’elle s’affaisse, était inintelligible. Comment un corps avait-il pu même obscurément réagir et témoigner tout à coup d’une décision si forte qu’il avait serré sa compagne dans un étau et l’avait empêché de fuir ?

C’est aussi mystérieux que le reste, se disait Durtal et, songeur, il reprenait :

— Ce qui n’est pas moins étrange, c’est la manœuvre secrète de Jésus dans son Sacrement. Si j’en juge par ce qui m’est arrivé, une première communion exaspère