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qui lui restait de courage pour descendre à l’église où commençait l’office. Il s’y tréfila, s’y tenailla, assailli par des rappels turpides, dégoûté de lui-même, sentant sa volonté qui fuyait, blessée de toutes parts.

Et quand il fut dans la cour, il demeura abasourdi, se demandant où il allait s’abriter. Tous les lieux lui étaient devenus hostiles ; dans sa cellule, c’étaient des souvenances charnelles, dehors, c’étaient les tentations contre la Foi ; ou plutôt je traîne cela constamment avec moi, se cria-t-il. Mon Dieu, mon Dieu ! j’étais, hier, si tranquille !

Il piétinait au hasard d’une allée, quand un nouveau phénomène surgit.

Il avait eu jusqu’à cette heure, dans le ciel interne, la pluie des scrupules, la tempête des doutes, le coup de foudre de la luxure ; maintenant, c’était le silence et la mort.

Les ténèbres complètes se faisaient en lui.

Il cherchait à tâtons son âme et la trouvait inerte, sans connaissance, presque glacée. Il avait le corps vivant et sain, toute son intelligence, toute sa raison et ses autres puissances, ses autres facultés, s’engourdissaient, peu à peu, et s’arrêtaient. Il se manifestait, en son être, un effet tout à la fois analogue et contraire à ceux que le curare produit sur l’organisme, lorsqu’il circule dans les réseaux du sang ; les membres se paralysent ; l’on n’éprouve aucune douleur, mais le froid monte ; l’âme finit par être séquestrée toute vive dans un cadavre ; là, c’était le corps vivant qui détenait une âme morte.

Harcelé par la peur, il se dégagea d’un suprême effort,