Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passive, moins réservée, tandis que l’homme réagit plus violemment contre les volontés du Ciel.

— Cela me fait songer, dit Durtal, que, même en religion, il existe des âmes qui semblent s’être trompées de sexe. Saint François d’Assise, qui était tout amour, avait plutôt l’âme féminine d’une moniale et sainte Térèse, qui fut la plus attentive des psychologues, avait l’âme virile d’un moine. Il serait plus exact de les appeler sainte François et saint Térèse.

L’oblat sourit. — Pour en revenir à votre question, reprit-il, je ne crois pas du tout que la maladie soit la conséquence forcée des phénomènes que peut susciter le rapt impétueux de la Mystique.

— Voyez cependant sainte Colette, Lidwine, sainte Aldegonde, Jeanne-Marie de la croix, la sœur Emmerich, combien d’autres qui passèrent leur existence, à moitié paralysées, sur un lit !

— Elles sont une minorité infime. D’ailleurs les Saintes ou les Bienheureuses dont vous me citez les noms étaient des victimes de la substitution, des expiatrices des péchés d’autrui, Dieu leur avait réservé ce rôle : il n’est pas étonnant dès lors qu’elles soient demeurées alitées et percluses, qu’elles aient été constamment à peu près mortes.

Non, la vérité est que la Mystique peut modifier les besoins du corps, sans, pour cela, par trop altérer la santé ou la détruire. Je sais bien, vous me répondrez par le mot effrayant de sainte Hildegarde, par ce mot tout à la fois équitable et sinistre : « le Seigneur n’habite pas dans les corps sains et vigoureux » et vous ajouterez, avec sainte Térèse, que les maux sont fré-