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Il y a longtemps déjà, poursuivit l’oblat, que j’ai placé mes désirs au delà de l’horizon, et pourtant je ne progresse guère ; je suis à peine dégagé de la vie purgative, à peine…

— Et vous n’appréhendez pas, comment dirai-je, des infirmités matérielles, car enfin si vous parvenez à franchir les limites de la contemplation, vous risquez de vous ruiner à jamais le corps. L’expérience paraît démontrer, en effet, que l’âme divinisée agit sur le physique et y détermine d’incurables troubles.

L’oblat sourit. D’abord je n’atteindrai sans doute pas au dernier degré de l’initiation, au point extrême de la Mystique ; puis, en supposant que je les atteigne, que seraient des accidents corporels en face des résultats acquis ?

Permettez-moi aussi de vous affirmer que ces accidents ne sont, ni aussi fréquents, ni aussi certains que vous semblez le croire.

On peut être un grand mystique, un admirable saint et ne pas être le sujet de phénomènes visibles pour ceux qui vous entourent. Pensez-vous donc, par exemple, que la lévitation, que l’envolée dans les airs du corps, qui paraît constituer la période excessive du ravissement, ne soit pas des plus rares.

Vous me citerez qui ? sainte Térèse, sainte Christine l’Admirable, saint Pierre d’Alcantara, Dominique de Marie Jésus, Agnès de Bohême, Marguerite du Saint-Sacrement, la Bienheureuse Gorardesca de Pise et surtout saint Joseph de Cupertino qui s’enlevait, lorsqu’il le voulait, du sol. Mais ils sont dix, vingt, sur des milliers d’élus !