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énergie peu commune pour dire sa messe ; mais voyons, nous allons tout d’abord visiter le domaine même de la Trappe que vous ne devez pas avoir exploré en son entier, puis nous sortirons de la clôture et nous pousserons jusqu’à la ferme.

Ils partirent, côtoyèrent les restes de l’ancienne abbaye et, chemin faisant, en contournant la pièce d’eau près de laquelle Durtal s’était, le matin, assis, M. Bruno entra dans des explications, à propos des ruines.

— Ce monastère avait été fondé en 1127 par saint Bernard qui y avait installé, comme abbé, le Bienheureux Humbert, un Cistercien épileptique qu’il avait, par miracle, guéri. Il y eut à cette époque des apparitions dans le couvent ; une légende raconte que deux anges venaient couper un des lis plantés dans le cimetière et l’emportaient au ciel, chaque fois qu’un des moines mourait.

Le second abbé fut le Bienheureux Guerric qui se rendit fameux par sa science, son humilité et sa patience à endurer les maux. Nous possédons ses reliques ; ce sont elles qui sont enfermées dans la châsse placée sous le maître-autel.

Mais le plus curieux des supérieurs qui se succédèrent ici, au Moyen Age, fut Pierre Monoculus dont l’histoire a été écrite par son ami, le synodite Thomas de Reuil.

Pierre dit Monoculus ou le borgne fut un saint affamé d’austérités et de souffrances. Il était assailli par d’horribles tentations dont il se riait. Exaspéré, le Diable s’attaqua au corps et lui brisa, à coups de névralgies, le crâne, mais le ciel lui vint en aide et le guérit. A force de verser des larmes, par esprit de pénitence, Pierre