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avait imploré la veille, s’efforçant de rejeter ce souvenir, y pensant quand même.

Il voulut se compulser et se réunir et il priait le Ciel de lui pardonner ces allées et venues d’esprit, quand M. Bruno entra, et s’en fut s’agenouiller devant la statue de la Vierge.

Presque à la même minute, un frère, qui avait une barbe en varech plantée au bas d’une figure en poire, apporta près de l’autel de saint Joseph une petite table de jardin, sur laquelle il posa un bassin, un manuterge, deux burettes et une serviette.

Devant ces préparatifs qui lui rappelaient l’imminence du sacrifice, Durtal se roidit et parvint, d’un effort, à renverser ses anxiétés, à culbuter ses troubles et, s’échappant de lui-même, il supplia ardemment Notre-Dame d’intervenir pour qu’il pût, pendant cette heure au moins, sans s’extravaguer, prier en paix.

Et quand il eut terminé son oraison, il leva les yeux, eut un sursaut, examina, béant, le prêtre qui s’avançait, précédé du convers, pour célébrer la messe.

Ce n’était plus le vicaire qu’il connaissait, mais un autre, plus jeune, d’allure majestueuse, très grand, les joues pâles et rasées, la tête chauve.

Durtal le considérait, marchant, solennel et les yeux baissés, vers l’autel et il vit, tout à coup, une flamme violette brûler ses doigts.

Il a l’anneau épiscopal, c’est un évêque, se dit Durtal qui se pencha pour discerner, sous la chasuble et sous l’aube, la couleur de la robe. Elle était blanche.

Alors, c’est un moine, reprit-il, ahuri ; — et, machinalement, il se tourna vers la statue de la Vierge,