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noncée avec soin, toutes les boules du rosaire qu’il avait marmonnées, sans les comprendre.

Et il essaya de remettre la manivelle en marche, mais dès qu’il eut extrait le Pater, il divagua ; il s’entêta quand même à vouloir moudre les Ave, mais alors son esprit se dispersa, s’enfuit de toutes parts.

Il s’arrêta, songeant : à quoi bon ? du reste, une dizaine, même bien dite, équivaudrait-elle à cinq cents oraisons ratées ? et puis, pourquoi une dizaine et pas deux, pas trois ; c’est absurde !

La colère le gagnait ; à la fin du compte, conclut-il, ces récidives sont ineptes ; le Christ a positivement déclaré qu’il ne fallait pas user de vaines redites dans les prières. Alors quel est le but de ce moulinet d’Ave ?

— Si je m’appesantis sur cet ordre d’idées, si j’ergote sur les injonctions du moine, je suis perdu, se dit-il, tout à coup ; et d’un effort de volonté il étouffa les révoltes qui grondaient en lui.

Il se réfugia dans sa cellule ; les heures s’allongeaient interminables ; il les tuait à se ressasser toujours les mêmes objections, toujours les mêmes réponses. Cela devenait un rabâchage dont il avait, lui-même, honte.

Ce qui est certain, c’est que je suis victime d’une aberration, reprit-il ; je ne parle pas de l’Eucharistie ; là, mes pensées peuvent n’être point justes, mais elles ne sont pas démentielles au moins, tandis que pour cette question des patenôtres !

Il s’ahurit si bien, à se sentir martelé tel qu’une enclume, entre ces deux hantises, qu’il finit par s’assoupir sur une chaise.