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toi, puisque tu ne peux parvenir à les proférer, sans t’évaguer !

Il pivotait sur lui-même, sans avancer d’un pas.

— Je n’ai jamais éprouvé une pareille hésitation, se dit-il, en tâchant de se reprendre ; je ne suis pas fou et pourtant je me bats contre mon bon sens, car il n’y a pas à en douter, je le sais, je dois égoutter une dizaine d’Ave et pas un de plus !

Il demeura interloqué, presque effrayé de cet état qui était nouveau pour lui.

Et, pour se débarrasser, pour se faire taire, il s’imagina une nouvelle réflexion qui conciliait vaguement les deux parties, qui parait au plus pressé, qui présentait au moins une solution provisoire.

Dans tous les cas, reprit-il je ne puis communier demain si je n’ai pas accompli aujourd’hui ma pénitence ; dans le doute, le plus sage est de s’atteler aux dix chapelets ; plus tard nous verrons ; je pourrais, au besoin, consulter le prieur. Il est vrai qu’il va me croire imbécile, si je lui parle de ces chapelets ! je ne puis cependant lui demander cela !

— Mais alors, tu vois bien, tu l’avoues toi-même, il ne saurait être question que de dix grains !

Il s’exaspéra, se rua, pour obtenir son propre silence, sur le rosaire.

Il avait beau fermer les yeux, tenter de se ramasser, de se grouper, il lui fut impossible, au bout de deux dizaines, de suivre ses oraisons ; il bafouillait, oubliait les bols du Pater, s’égarait dans les granules des Ave, piétinait sur place.

Il s’avisa, pour se réprimer, de se transporter en ima-