Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cien mobilier bourgeois, d’un lit, d’un bureau d’acajou, d’une large bibliothèque pleine de livres ascétiques, d’un poêle de faïence et de fauteuils.

Ces meubles appartenaient évidemment à l’oblat, car ils ne ressemblaient en rien au mobilier des Trappes.

— Asseyez-vous, je vous prie, dit M. Bruno, en montrant un fauteuil, et ils causèrent.

Après s’être d’abord engagée sur le Sacrement de Pénitence, la conversation se fixa sur le P. Maximin et Durtal avoua que la haute mine du prieur l’avait terrifié tout d’abord.

M. Bruno se mit à rire. — Oui, fit-il, il produit cet effet sur ceux qui ne l’approchent point, mais quand on le fréquente, on discerne qu’il n’est rigide que pour lui-même, car nul n’est, pour les autres, plus indulgent ; c’est un vrai et un saint moine, dans toute l’acception du terme ; aussi a-t-il de grandes lumières…

Et comme Durtal lui parlait des autres cénobites et s’étonnait qu’il y eut, parmi eux, de très jeunes gens, M. Bruno répondit :

— S’imaginer que la plupart des trappistes ont vécu dans le monde est une erreur. Cette idée, si répandue, que les gens se réfugient dans les Trappes après de longs chagrins, après des existences désordonnées, est absolument fausse ; d’ailleurs, pour pouvoir endurer le régime débilitant du cloître, il faut commencer jeune et surtout ne pas apporter un corps usé par des abus de toute sorte.

Il convient aussi de ne pas confondre la misanthropie et la vocation monastique ; — ce n’est pas l’hypocondrie, mais l’appel divin, qui conduit dans les Trappes.