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mortes, par un fumier de fautes, il plaignait le sauveur qu’il allait convier à s’y baigner, car ce ne serait même plus le martyre du Golgotha, consommé, sur une éminence, la tête haute, au jour, en plein air, au moins ! Mais ce serait par un surcroît d’outrages, l’abominable plongeon du corps crucifié, la tête en bas, la nuit, dans un fond de boue !

— Ah ! il serait temps de l’épargner, en me filtrant, en me clarifiant, se cria-t-il. — Et le cygne, demeuré jusqu’alors immobile dans un bras de l’étang, balaya, en s’avançant, la lamentable image, blanchit de son reflet tranquille le deuil remué des eaux.

Et Durtal songea à l’absolution qu’il obtiendrait peut-être et il rouvrit son eucologe et dénombra ses fautes ; et lentement, ainsi que la veille, il se tarauda, parvint, en se sondant, à faire sortir du sol de son être un jet de larmes.

Il s’agit de se contenir, se dit-il, tremblant à l’idée qu’il suffoquerait encore, qu’il ne pourrait parler ; et il résolut de commencer à rebours sa confession, d’énumérer d’abord les petits péchés, de garder les gros pour la fin, de terminer par l’aveu des méfaits charnels ; si alors je succombe, j’arriverai quand même à m’expliquer en deux mots. — Mon Dieu ! pourvu néanmoins que le prieur ne se taise pas comme hier, pourvu qu’il me délie !

Il secoua sa tristesse, quitta l’étang, rejoignit son allée de tilleuls et il se plut à inspecter de près ces arbres. Ils érigeaient des troncs énormes, frottés d’orpin roux, gouachés d’argent gris par des mousses ; et plusieurs, ce matin-là, étaient enveloppés ainsi que d’une mantille