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Un jour, un haut-le-cœur lui vient devant un lépreux dont les croûtes soulevées infectent ; pour se punir de son dégoût, elle boit l’eau dans laquelle elle a lavé ces croûtes ; des nausées la reprennent ; elle se châtie encore en se forçant à avaler une écaille que cette eau n’a pu entraîner et qui lui est restée dans le gosier, à sec.

Pendant des années elle panse des ulcères et médite sur la Passion du Christ. Puis son noviciat de douleurs prend fin et le jour radieux des visions l’éclaire. Jésus la traite en enfant gâtée, la cajole, la nomme ma très douce, ma très aimée fille ; il la dispense du besoin de manger, ne la nourrit qu’avec les Espèces Saintes ; il l’appelle, l’attire, l’absorbe dans la lumière incréée, lui permet, par une avance d’hoirie, de connaître, vivante, les joies du ciel.

Et elle est si simple, si timide, que, malgré tout, elle a peur, car le souvenir de ses péchés l’alarme. Elle ne peut se croire pardonnée et elle dit au Christ : — « ah ! Je voudrais me mettre un collier de fer et me traîner sur la place publique pour crier mes hontes ! »

Et il la console et lui répète : rassure-toi, ma fille, j’ai compensé tes péchés par mes souffrances ; et comme elle s’accuse encore d’avoir vécu dans l’opulence, qu’elle se reproche d’avoir raffolé de toilettes et de bijoux, Il lui dit en souriant : pour racheter tes richesses, j’ai manqué de tout ; il te fallait un grand nombre de robes et, moi, je n’eus qu’un vêtement et les soldats m’en dépouillèrent et le tirèrent au sort ; ma nudité fut l’expiation de ta vanité dans les parures…

Et tous les entretiens du Christ sont sur ce ton ; il