Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était d’abord le cantique d’exultation, le salut joyeux de l’être encore petit, balbutiant des caresses respectueuses, choyant avec des mots de douceur, avec des cajoleries d’enfant qui cherche à amadouer sa mère ; c’était le — « Salve Regina, Mater misericordiæ, vita, dulcedo et spes nostra, salve. » — Puis cette âme, si candide, si simplement heureuse, avait grandi et connaissant déjà les défaites volontaires de la pensée, les déchets répétés des fautes, elle joignait les mains et demandait, en sanglotant, une aide. Elle n’adorait plus en souriant, mais en pleurant ; c’était le — « Ad te clamamus exsules filii Hevæ ; ad te suspiramus gementes et flentes in hac lacrymarum valle. » — Enfin la vieillesse était venue ; l’âme gisait, tourmentée par le souvenir des avis négligés, par le regret des grâces perdues ; et, devenue plus craintive, plus faible, elle s’épouvantait devant sa délivrance, devant la destruction de sa prison charnelle qu’elle sentait proche ; et alors elle songeait à l’éternelle inanition de ceux que le Juge damne et elle implorait, à genoux, l’avocate de la terre, la consule du ciel ; c’était le « Eia ergo, Advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte et Jesum benedictum fructum ventris tui nobis post hoc exsilium ostende ».

Et, à cette essence de prière que prépara Pierre de Compostelle ou Hermann Contract, saint Bernard, dans un accès d’hyperdulie, ajoutait les trois invocations de la fin : « O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria », scellait l’inimitable prose comme avec un triple sceau, par ces trois cris d’amour qui ramenaient l’hymne à l’adoration câline de son début.

Cela devient inouï, se dit Durtal, lorsque les trappis-