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ter, il s’effara, mettant les choses au pire, se voyant, de même qu’un chien lépreux, jeté dehors.

Il expédia son déjeuner et s’en fut à Saint-Séverin ; là, la crise se décida ; ce fut la fin de tout ; l’âme surmenée s’éboula, frappée par une congestion de tristesse.

Il gisait sur une chaise, dans un tel état d’accablement, qu’il ne songeait plus ; il restait inerte, sans force pour souffrir ; puis, peu à peu, l’âme, anesthésiée, revint à elle et les larmes coulèrent.

Ces larmes le soulagèrent ; il pleura sur son sort, s’estima si malheureux, si digne de pitié qu’il espéra davantage en une aide ; et il n’osait cependant s’adresser au Christ qu’il jugeait moins accessible, mais il parlait tout bas à la Vierge, la priant d’intercéder pour lui, murmurant cette oraison où saint Bernard rappelle à la Mère du Christ que, de mémoire humaine, l’on a jamais ouï dire qu’elle abandonne aucun de ceux qui implorent son assistance.

Il quitta Saint-Séverin, consolé, plus résolu et, rentré chez lui, il fut distrait par les préparatifs du départ. Appréhendant de manquer de tout, là-bas, il se déterminait à bourrer sa valise ; il tassait dans les coins du sucre, des paquets de chocolat, pour essayer de tromper, s’il était besoin, les angoisses de l’estomac à jeun ; emportait des serviettes, pensant qu’à la Trappe elles seraient rares ; préparait des provisions de tabac, d’allumettes ; et c’était, en sus des livres, du papier, des crayons, de l’encre, des paquets d’antipyrine, une fiole de laudanum qu’il glissait sous les mouchoirs, qu’il calait dans des chaussettes.