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vous sont imposés dans un but que l’on ne soupçonne pas et qu’eux-mêmes ignorent.

— Permettez, si quelqu’un servit de passerelle en cette circonstance, ce fut Tocane, répondit Durtal, car c’est lui qui nous abouta et que nous repoussâmes du pied quand il eut accompli son inconsciente tâche ; nous étions évidemment désignés pour nous connaître.

— C’est juste, fit l’abbé qui sourit ; allons, je ne sais si je vous reverrai avant votre départ, car je serai demain, à Mâcon, où je resterai cinq jours, le temps de revoir mes neveux et de donner des signatures exigées par un notaire ; en tout cas, bon courage, ne négligez point de m’envoyer de vos nouvelles, n’est-ce pas ? écrivez-moi, sans trop tarder, pour que je reçoive, en rentrant à Paris, votre lettre.

Et comme Durtal le remerciait de sa diligente affection, il prit sa main et la retint dans les siennes.

— Laissons cela, fit-il ; vous ne devez remercier que Celui dont la paternelle impatience a interrompu le sommeil têtu de votre Foi ; vous ne devez de reconnaissance qu’à Dieu seul.

Rendez-lui grâce en déguerpissant le plus tôt possible de votre nature, en Lui laissant le logis de votre conscience vide. Plus vous mourrez à vous-même, et mieux il vivra en vous. La prière est le moyen ascétique le plus puissant pour vous renoncer, pour vous évacuer, pour vous rendre à ce point humble ; priez donc sans relâche à la Trappe. Implorez la Madone surtout, car, semblable à la myrrhe qui consume la pourriture des plaies, elle guérit les ulcères d’âmes ; de mon côté, je la prierai de mon mieux pour vous ; vous pourrez ainsi, dans votre