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Durtal, et aussi quelle admirable sainte ! ajouta-t-il en parcourant la vie de cette religieuse qui figurait en tête du livre.

Elle était née, en 1774, dans l’Evêché de Munster, de paysans pauvres. Dès son enfance, elle s’entretient avec la Vierge, et elle possède le don qu’eurent également sainte Sibylline de Pavie, Ida de Louvain et plus récemment Louise Lateau, de discerner, en les considérant, en les touchant, les objets bénits de ceux qui ne le furent point. Elle entre, comme novice, chez les Augustines de Dulmen, prononce, à vingt-neuf ans, ses vœux ; sa santé est ruinée, d’incessantes douleurs la torturent ; elle les aggrave, car de même que la Bienheureuse Lydwine, elle obtient du Ciel la permission de souffrir pour les autres, d’alléger les malades en prenant leurs maux. En 1811, sous le gouvernement de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, le couvent est supprimé et les nonnes dispersées. Infirme, sans le sou, elle est transportée dans une chambre d’auberge, où elle endure toutes les curiosités, toutes les insultes. Le Christ ajoute à son martyre, en lui accordant les stigmates qu’elle implore ; elle ne peut plus ni se lever, ni marcher, ni s’asseoir, ne se nourrit plus que du jus d’une cerise, mais elle est ravie dans de longues extases. Elle voyage ainsi en Palestine, suit pas à pas le Sauveur, dicte, en gémissant, cette œuvre affolante, puis râle : « laissez-moi mourir dans l’ignominie avec Jésus sur la croix », et meurt, éperdue d’allégresse, remerciant le ciel de cette vie de supplices qu’elle a subie !

Ah ! oui, j’emporte « la Douloureuse Passion » ! s’écria Durtal.