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soulevait et remontait un ventre traversé par des remous, sillonné par de grands frissons.

Et la même scène se reproduisait pour arrêter les pieds. Eux aussi n’atteignaient pas la place que les exécuteurs avaient marquée. Il fallut lier le torse, ligotter les bras pour ne pas arracher les mains du bois, se pendre après les jambes, les allonger jusqu’au tasseau sur lequel ils devaient porter ; du coup, le corps entier craqua ; les côtes coururent sous la peau, la secousse fut si atroce que les bourreaux craignirent que les os n’éclatassent en crevant les chairs ; et ils se hâtèrent de maintenir le pied gauche sur le pied droit ; mais les difficultés recommencèrent, les pieds se révulsaient ; on dut les forer avec une tarière pour les fixer.

Et cela continuait ainsi jusqu’à ce que Jésus mourût et alors la sœur Emmerich, terrifiée, perdait connaissance ; ses stigmates ruisselaient, sa tête crucifiée pleuvait du sang.

Dans ce livre, l’on regardait grouiller la meute des juifs, l’on écoutait les imprécations et les huées de la foule, l’on contemplait une Vierge qui tremblait la fièvre, une Madeleine hors d’elle-même, devenue effrayante avec ses cris, et, dominant le lamentable groupe, un Christ hâve et enflé, s’empêtrant les jambes dans sa robe, alors qu’il monte au Golgotha, crispant ses ongles cassés sur la croix qui glisse.

Voyante extraordinaire, Catherine Emmerich avait également décrit les alentours de ces scènes, des paysages de Judée qu’elle n’avait jamais visités et qui avaient été reconnus exacts ; sans le savoir, sans le vouloir, cette illettrée était devenue une solitaire, une puissante artiste !

Ah ! l’admirable visionnaire et l’admirable peintre ! s’écria