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— C′était pour que ses moines, dont la santé se débilitait dans les brumes, eussent constamment sous les yeux la salutaire image de la mort.

— Diantre !

— J’ajoute tout de suite que le val où s’élève Notre-Dame de l’Atre est maintenant sans marécage et que l’air y est très pur ; vous y longerez de délicieux étangs et je vous recommande, à la lisière de la clôture, une allée de noyers séculaires où vous pourrez faire d’émollientes promenades, au point du jour.

Et, après un silence, l’abbé Gévresin reprit :

— Marchez beaucoup là-bas, parcourez les bois dans tous les sens ; les forêts vous instruiront mieux sur votre âme que les livres, « aliquid amplius invenies in sylvis quam in libris », a écrit saint Bernard ; priez et les journées seront courtes.

Durtal partit, réconforté, presque joyeux, de chez ce prêtre ; il se sentait au moins l’allègement d’une situation tranchée, d’une résolution enfin prise. Il ne s’agit plus maintenant que de se préparer de son mieux à cette retraite, se dit-il ; et il pria, se coucha, pour la première fois depuis des mois, l’esprit tranquille.

Mais, le lendemain, dès son réveil, il déchanta ; toutes ses préoccupations, toutes ses transes revinrent ; il se demanda si sa conversion était mûre pour la brancher et la porter dans une Trappe ; la peur du confesseur, l’appréhension de l’inconnu l’assaillirent à nouveau. J’ai eu tort de répondre si vite, et il s’arrêta :

Pourquoi ai-je dit oui ? Le souvenir de ce mot prononcé par sa bouche, pensé par une volonté qui était encore la sienne et qui était cependant autre,