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à chaque jour suffit sa peine : « sufficit diei malitia sua ».

Vous prétendez enfin que vous n’avez pas l’amour de Dieu, je vous répondrai encore : qu’en savez-vous ? — Vous l’avez cet amour, par cela seul que vous désirez l’avoir, que vous regrettez de ne pas l’avoir ; vous aimez Notre Seigneur par ce seul fait que vous voulez l’aimer !

Oh ! C’est spécieux, murmura Durtal. — Enfin, reprit-il, et si, à la Trappe, le moine, révolté par l’outrage prolongé de mes fautes, me refuse l’absolution et m’empêche de communier ?

Du coup, l’abbé se mit à rire.

— Vous êtes fou ! ah ça, mais quelle idée vous faites-vous du Christ ?

— Du Christ, non, mais de son médiateur, de l’être humain qui le remplace…

— Vous ne pouvez échoir qu’à l’homme désigné d’avance, là-haut, pour vous juger ; vous avez d’ailleurs, à Notre-Dame de l’Atre, toutes les chances pour vous agenouiller aux pieds d’un saint ; dès lors, Dieu l’inspirera, sera là ; vous n’avez rien à craindre.

Quant à la communion, la perspective d’en être écarté vous effraie ; mais n’est-ce pas encore une preuve de plus que, contrairement à votre opinion, Dieu ne vous laisse pas insensible ?

— Oui, mais l’idée de communier ne m’effraie pas moins !

— Je vous répéterai encore : si Jésus vous était indifférent, il vous serait bien égal de consommer ou de ne pas consommer les Espèces Saintes !

— Tout cela ne me convainc guère, soupira Durtal ;