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aussi de connaître les mœurs de ces cénobites, avant que d’aller séjourner chez eux.

L’abbé sourit quand Durtal lui soumit ces objections.

— Le voyage est bref, répondit-il ; vous prenez à la gare du Nord, à 8 heures du matin, un billet pour Saint-Landry ; le train vous y dépose à 11 heures trois quarts, vous déjeunez dans une auberge près de la gare ; là, tandis que vous buvez votre café, on vous prépare une voiture et, après quatre heures de galop, vous arrivez à Notre-Dame de l’Atre pour dîner ; est-ce difficile ?

Quant au prix, il est modique. Autant que je puis me le rappeler, le chemin de fer coûte une quinzaine de francs ; ajoutez deux ou trois francs pour le repas et six ou sept francs pour la voiture…

Et Durtal se taisant, l’abbé reprit : — eh bien ?

— Ah ! tout ça, tout ça…, si vous saviez… — je suis dans un état à faire pitié ; je veux et je ne veux pas ; je voudrais gagner du temps, retarder l’heure du départ.

Et il continua : — J’ai l’âme détraquée ; dès que je veux prier, mes sens s’épandent au dehors, je ne puis me recueillir et, du reste, si je parviens à me rassembler, cinq minutes ne s’écoulent point que je me désagrège ; non, je n’ai ni ferveur, ni contrition véritables ; je ne L’aime pas assez, là, s’il faut vous le dire.

Enfin, depuis deux jours, une affreuse certitude s’est implantée en moi ; je suis sûr que, malgré ma bonace charnelle, si je me trouvais en face de certaine femme dont la vue m’affole, je céderais ; j’enverrais la religion au diable ; je reboirais mon vomis à pleine bouche ; je