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est, lâchons le mot, un médicament spirituel ; on va au Sauveur de même qu’on se rend chez un médecin ; on lui apporte son âme à soigner et il la soigne !

Je suis en face de l’inconnu, poursuivait Durtal ; je me plains d’être sec, d’être extravagué, mais qui m’affirme que si je me déterminais à communier, je resterais ainsi ? Car enfin si j’ai la Foi, je dois croire à l’occulte travail du Christ dans le Sacrement ! Enfin, j’appréhende de m’ennuyer dans la solitude ; avec cela que je m’amuse ici ! Je n’aurai toujours plus, à la Trappe, ces tergiversations de toutes les minutes, ces continuelles transes ; j’aurai le bénéfice d’être assis en moi-même, au moins ; et puis… et puis… la solitude, mais je la connais ! Est-ce que depuis la mort de des Hermies et de Carhaix, je ne vis pas à l’écart ; car enfin je fréquente qui ? Quelques éditeurs, quelques hommes de lettres et les relations avec ces gens-là n’ont rien qui me plaisent ; quant au silence, c’est un bienfait ; je n’entendrai pas débiter de sottises dans une Trappe, je n’écouterai pas de minables homélies, d’indigents sermons ; mais je devrais exulter d’être enfin isolé loin de Paris, loin des hommes !

Il se tut et il se fit encore une sorte de revirement en lui ; et, mélancoliquement, il se dit : ce que ces litiges sont inutiles, ce que ces réflexions sont vaines ! Il n’y a pas à tenter de se faire le comptable de son âme, d’établir des doit et avoir, à tâcher de balancer ses comptes ; je sais, sans savoir comment, qu’il faut partir ; je suis poussé en dehors de moi par une impulsion qui me monte du fond de l’être et à laquelle je suis parfaitement certain qu’il faudra céder.