Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous son voile, ne pouvant non plus, si elle me répondait, me guider sur les inflexions de sa voix toujours circonspecte et toujours calme, j’avais fini par ne me fier qu’à ses grandes lunettes, rondes et cerclées de buffle, que presque toutes les nonnes portent ; eh bien, la vivacité réfrénée de la femme éclatait là ; subitement, dans un coin des verres, une flammèche s’allumait ; je comprenais alors que l’œil avait pris feu et qu’il démentait l’indifférence de la voix, la quiétude voulue du ton.

L’abbé se mit, à son tour, à rire.

— Et la supérieure qui dirige les Bénédictines de la rue Monsieur, vous la connaissez ? reprit Durtal.

— J’ai causé avec elle, une fois ou deux ; là, le parloir est monastique ; il n’a point le côté provincial et bourgeois de la rue Tournefort ; il se compose d’une loge sombre occupée dans toute la largeur, au fond par une grille enchevêtrée de fer ; derrière cette grille se dressent encore des barreaux de bois et un volet peint en noir. L’on est en pleine nuit et l’abbesse à peine éclairée, vous apparaît, telle qu’un fantôme…

— L’abbesse est cette religieuse, âgée, toute frêle, toute petite, à laquelle Dom Etienne a remis la novice ?

— Oui, elle est une remarquable bergère d’âmes et qui plus est, une femme fort instruite et d’une distinction de manières rare.

— Oh ! pensa Durtal, je me figure bien qu’elles sont d’exquises, mais aussi de terribles femmes, les abbesses ! sainte Térèse était la bonté même, mais lorsque, dans son « Chemin de la Perfection », elle parle des nonnes qui se liguent pour discuter les volontés de leur Mère, elle se