Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout le monde se leva et, précédé par la croix et les cierges, le cortège sortit de l’église et se tassa dans la cour.

Alors Durtal put se croire transporté loin de Paris, rejeté tout à coup dans le fond des âges.

La cour entourée de bâtiments était barrée, en face de la porte cochère, par une haute muraille au milieu de laquelle rentrait une porte à deux vantaux ; de chaque côté, six pins maigres balayaient l’air ; des chants s’entendaient derrière le mur.

La postulante, en avant, seule, près de la porte close, tenait, tête baissée, son cierge. L’abbé de la Trappe, appuyé sur sa crosse, se tenait immobile à quelques pas d’elle.

Durtal examinait les visages ; la petite si banale en costume de mariée était devenue charmante ; maintenant le corps s’effilait en une grâce timide ; les lignes trop loquaces sous la robe mondaine s’étaient tues ; sous le suaire religieux, les contours n’étaient plus qu’une naïve ébauche ; il y avait eu comme un recul d’années, comme un retour aux formes devinées de l’enfance.

Durtal s’approcha pour la mieux observer ; il tenta de scruter cette figure, mais dans le linceul glacé de sa coiffe, elle restait muette, semblait absente de la vie, avec ses yeux fermés, ne vivait plus que par le sourire des lèvres heureuses.

Et, vu de près, le moine, massif et rougeaud, dans la chapelle, était, lui aussi, changé ; la charpente demeurait robuste et le teint brûlait ; mais les yeux d’un bleu d’eau, jaillie de la craie, d’eau sans reflets et sans rides, les yeux incroyablement purs, changeaient la vulgaire