Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mées et, au-dessus des têtes, l’autel flamboyait dans sa futaie incendiée de cierges sur le fond de laquelle se détachait, comme sur l’or d’un iconostase, la face empourprée d’un évêque blanc.

Durtal se glissa dans la foule, joua des coudes, entrevit l’abbé Gévresin qui lui faisait signe ; il le rejoignit, s’installa sur la chaise que le prêtre lui avait réservée et il examina l’abbé de la Grande Trappe, entouré de prêtres en chasubles, d’enfants de chœur habillés, les uns en rouge et les autres en bleu, suivi par un trappiste au crâne ras, cerclé d’une couronne de cheveux, tenant la crosse de bois, dans le tournant de laquelle était sculpté un petit moine.

Vêtu de la coule blanche, à longues manches avec gland d’or au capuchon, la croix abbatiale sur la poitrine, la tête coiffée d’une mitre mérovingienne de forme basse, Dom Étienne, avec sa large carrure, sa barbe grisonnante et la joie de son teint, lui fit tout d’abord l’effet d’un vieux Bourguignon, cuit par le soleil dans les travaux des vignes ; il lui parut, de plus, être un brave homme, mal à l’aise sous la mitre, intimidé par ces honneurs.

Un parfum âcre qui brûlait l’odorat ainsi qu’un piment brûle la bouche, le parfum de la myrrhe flottait dans l’air ; il y eut un remous de foule ; derrière la grille dont le rideau noir fut tiré, le couvent, debout, entonna l’hymne de saint Ambroise, le « Jesu corona Virginum », tandis que les cloches de l’abbaye sonnaient à toute volée ; dans la courte allée menant du parvis au chœur et bordée par une haie penchée de femmes, un crucifère et des porte-cierges entrèrent, puis, der-